Bio Consom’Acteurs Réunion vous propose un entretien exclusif avec Philippe Lucas, « Monsieur Bio » de la Réunion, expérimentateur officiel de l’Agriculture Biologique sur l’île.
BCAR : M. Lucas, vous êtes responsable de la filière Bio à l’Armeflhor, Association Réunionnaise pour la Modernisation de l’Economie Fruitière Légumière et HORticole. En quoi consiste votre travail et comment est-il financé ?
P.L. : Mon rôle essentiel est d’expérimenter tout ce qui touche à l’Agriculture Biologique (AB) dans le cadre d’un programme sur 5 ans jusqu’en 2013 avec des financements européens gérés par l’ODEADOM (Office de Développement de l’Economie Agricole des départements d’Outre-Mer). Ce programme est établi en partenariat avec les responsables du Groupement des Agriculteurs Biologiques (GAB) et fait suite à des discussions concernant les besoins des agriculteurs bio réunionnais. Il s’articule en 5 objectifs :
A mon arrivée à la Réunion, il n’y avait aucun (ou très peu) intrant professionnel. Il n’y avait pas d’engrais bio, pas d’amendements bio, pas de semences professionnelles, pas de terreau de semis, pas d’engrais foliaire, très peu de produits de traitement innovant - hors soufre et cuivre, je travaille plutôt en biodynamie. Il m’a fallu 6 mois de mise en place.
Aujourd’hui, le travail sur les semences a abouti à une dérogation en juin 2010 qui demande à être retravaillée. Il faut savoir qu’à la Réunion, il n’y avait pas de semences locales disponibles. Elles étaient donc toutes importées et recevaient de ce fait un traitement fongicide et un traitement viral, celui-ci ne sert à rien si le virus est à l’intérieur de la graine. Il a donc fallu apprendre aux producteurs bio les techniques de sélection, multiplication et conservation des semences AB et les inciter à les échanger. A ce jour l’Armeflhor dispose d’une banque de semences bio (2 sortes d’aubergines, oignon rose bourbon, piment petit et gros, maïs). Ces semences saines, produites à la Réunion, sont conditionnées pour tous les producteurs bio réunionnais.
BCAR : Après deux ans de recherche en agro-bio-écologie réunionnaise, quels sont vos résultats ?
P.L. :
BCAR : Vos travaux sont fondamentaux pour aider concrètement les producteurs de Bio réunionnais sur leurs cultures. Quels sont vos projets et sur quelle durée sont-ils échelonnés ?
P.L. : En ce qui concerne les essais variétaux, nous verrons en 2011 la finalisation de tous les essais commencés depuis 2010. Nous relançons un essai courgette qui semble très prometteur. Le premier essai avait connu un mauvais départ mais la cause ayant été identifiée et résolue nous repartons sur de bonnes bases. Un essai melon est également en cours avec plusieurs variétés dont le melon charentais. Les résultats devraient être visibles fin Août début Septembre.
Pour ce qui est de l’adaptation du travail du sol, nous mettons en place chez les producteurs de nouvelles techniques issues de la biodynamie avec apports de bactéries qui permettent de minimiser voire de supprimer l’utilisation des intrants.
BCAR : Quel avenir voyez-vous pour la production bio réunionnaise, à l’heure où les consommateurs, soucieux de leur santé et de leur environnement, se tournent de plus en plus vers la Bio ?
P.L. : Par rapport au travail à l’Armeflhor, l’objectif principal est de toucher tous les producteurs car pour moi un producteur conventionnel est un producteur bio en devenir. Il s’agit donc :
Cependant, aujourd’hui je ne dispose pas de tous les paramètres pour produire en bio à la Réunion. La recherche en agro-biologie par expérimentation doit se poursuivre.
Il y a aussi des projets avec la chambre d’agriculture, le FDGDON et le CIRAD comme le projet GAMOUR pour la Gestion Agroécologique des MOUches à la Réunion qui devrait déboucher sur la publication d’un process pour les agriculteurs bio des zones tropicales. Les producteurs qui ont participé sont satisfaits des essais mis en place à partir de ce programme.
M. Lucas, nous vous remercions d’avoir pris le temps de répondre à ces questions qui intéressent au plus près nos milliers d’adhérents, de correspondants et sympathisants qui sont de plus en plus soucieux du développement de l’Agriculture Biologique sur notre belle île qui, rappelons-le, a été inscrite en 2010 au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Nous tenons aussi à vous remercier pour votre participation bénévole à nos manifestations auprès du grand public ainsi que pour votre prochaine venue, au mois de mai, à une Journée de Découverte du Maraîchage Bio dans une ferme du Tampon. A bientôt donc et bonne continuation.
![]() |
![]() |
![]() |
Philippe Lucas (2ème à g.) et une partie de l’équipe de Bio Consom’acteurs Réunion à la Ferme Pédagogique Lou-Cachet’